Colloque: « L’animal souffre-t-il en droit? »

Présentation:

Organisé par le Groupe de recherche international en droit animal (GRIDA) sous la présidence d’honneur de l’Honorable Marlene Jennings et de Madame Alexandra Mendès, le colloque bilingue d’envergure internationale L’animal souffre-t-il en droit? a couvert un éventail de thèmes ou d’objets de recherche portant sur la souffrance des espèces animales. Les principaux objectifs de cette activité consistaient à évaluer l’état des connaissances en matière de souffrance animale et d’aborder les stratégies mises en oeuvre par divers ordres juridiques – tant au niveau international, européen que canadien – en vue de protéger les animaux à l’encontre de souffrances inutiles. Plus largement, l’événement avait pour objectif de poursuivre la réflexion lancée à Montréal en 2009, quant aux comportements des êtres humains à l’endroit des espèces animales.

 

Programme du colloque:

Discours d’ouverture

Martine Lachance – Professeure de droit, Université du Québec à Montréal – Présidente du colloque et Directrice du Groupe de recherche international en droit animal (GRIDA)

Atelier 1 – L’animal souffre-t-il ?

Éric Baratay – Professeur, Faculté des Lettres et Civilisations, Université Jean Moulin (Lyon 3)

« La souffrance, face cachée des lois de protection au XIXe siècle « 

L’étude des documents, au regard de ce qu’on sait maintenant des comportements et de la souffrance des animaux, montre que celle-ci est bien appréhendée par les hommes au XIXe siècle et qu’elle est à la base des premières lois de protection. Mais, comme elle n’est encore pas établie, mesurée, et qu’elle n’est dite que par un discours humain, approximatif et subjectif, elle a été souvent dévalorisée, même occultée, à la fois par les acteurs, qui ont eu tendance à mettre en avant des arguments plus « rationnels » et recevables par la société, et surtout par les historiens, les philosophes, les juristes qui ont préféré des explications économiques, sociales, politiques, culturelles plutôt que se pencher sur la relation de chair, d’émotions et de sang existant entre les hommes et les bêtes.

Éric Troncy – Professeur, Faculté de médecine vétérinaire, Université de Montréal: « Indices scientifiques de la douleur animale : à quoi reconnaissons-nous qu’ils souffrent ?« 

Thierry Auffret Van der Kemp – Fondation Droit Animal, éthique et sciences: « Sensibilités scientifiques, éthiques et juridiques à la sensibilité des animaux en France« 

Les degrés de connaissance, d’intérêt moral et de protection réglementaire de la sensibilité des animaux varient beaucoup selon les sociétés. A partir d’exemples concrets, il sera brièvement et successivement exposé comment et pourquoi en France :

l’aptitude de nombreux animaux à ressentir la douleur ou à éprouver des émotions fait encore l’objet de débats voire même de dénis chez certains scientifiques, bien que l’aptitude à percevoir des éléments nocifs et à y réagir de manière réflexe soit bien reconnue chez tous les animaux par les neurobiologistes;

la sensibilité à la sensibilité animale reste socialement suspecte et dévalorisante, bien que les atteintes à la sensibilité des animaux, notamment domestiques, soient moralement réprouvées ;

de nombreuses pratiques douloureuses ou génératrices d’émotions négatives pour les animaux sont encore réglementairement admises pour des motifs économiques, culturels, scientifiques ou religieux, bien que le code rural, le code pénal et différentes réglementations protègent les animaux domestiques ou sauvages détenus en captivité pour leur sensibilité. Quant aux animaux sauvages vivant à l’état de liberté, leur sensibilité n’étant pas juridiquement reconnue, ils ne bénéficient individuellement d’aucune mesure de protection, sauf s’ils appartiennent à une espèce menacée de disparition.

Atelier 2 – Pourquoi le droit devrait-il se préoccuper de la souffrance des animaux?

Elizabeth DeCoux – Professeure, Florida Coastal School of Law: « Narration de la souffrance animale: le lien crucial entre la « libération animale » et les autres mouvements de justice sociale« 

Lesli Bisgould – Professeure associée, Faculté de droit, Université de Toronto : « Il n’y a rien de tel que le droit animal« 

Dans le contexte actuel du système légal canadien, les animaux n’ont pas, et ne peuvent avoir, de droits. Les lois canadiennes, qu’elles soient fédérales ou provinciales, valorisent le droit de propriété – les animaux sont des biens, alors que les humains en sont les propriétaires. Dans la mesure où la loi ait un jour reconnu un quelconque conflit entre les intérêts d’un animal et d’un être humain, sa résolution a nécessairement été prédéterminée par la caractérisation première des parties. L’aspect le plus important de la propriété n’est-il pas le droit pour le propriétaire de disposer de son bien à sa guise? Le bien lui-même ne peut avoir de droit. L’objectif du droit animal est de donner naissance à des droits pour les animaux en érodant leur statut de bien. La prémisse factuelle sur laquelle repose leur statut – à savoir que les animaux sont seulement des objets parce qu’ils ne raisonnent pas, ne communiquent pas, n’ont pas de sensibilité, etc. – a perdu toute sa crédibilité il y a plusieurs années lorsque Darwin a prononcé le mot « évolution » pour la première fois. Il n’y a aucune base logiquement défendable pour maintenir cette prémisse en ces temps modernes. Il ne faut pas confondre les efforts pour éroder le statut de bien des animaux avec les efforts pour améliorer leur bien-être dans l’idéologie actuelle. Cela pourrait causer plus de tort que de bien, en perpétrant l’idée voulant qu’il s’agisse là de la source du problème, et en donnant l’impression au grand public que le bien-être animal ne nécessite pas d’attention supplémentaire.

Vaughan Black – Professeur, Faculté de droit, Université Dalhousie : « Perspective réglementaire: comparer la protection accordée aux animaux et aux humains en expérimentation« 

Le Canada a fait l’objet de nombreuses critiques : il est le seul pays occidental sans législation qui réglemente l’utilisation des animaux en recherches industrielle et médicale et aucune loi fédérale ne s’applique à la recherche sur des êtres non-humains. Alors que le Code criminel s’applique sans doute à de telles activités, aucune poursuite n’a été déposée quant à l’utilisation abusive des animaux. Les défenseurs du régime canadien répondent que les standards et procédures promulgués par le Conseil canadien de protection des animaux – confortés par la nécessité de s’y conformer pour obtenir une subvention de recherche des agences nationales – fournissent une surveillance adéquate de ce domaine. Il est vrai que le Canada est un modèle pour la protection des animaux en recherche scientifique. D’autres ont même affirmé que la protection accordée aux animaux utilisés à des fins d’exploration scientifique était supérieure au Canada à celle offerte aux humains. Le conférencier répond aux arguments avancés par les défenseurs du régime canadien. Il démontre que l’affirmation voulant que les animaux aient une meilleure protection que les humains dans l’administration et dans la supervision de la recherche au Canada, est fausse. Il fait valoir que le modèle canadien ne parvient pas à fournir une protection suffisante contre l’utilisation inutile d’animaux dans les domaines de la recherche scientifique, médicale et industrielle.

Atelier 3 – Modèles législatifs de protection des animaux mis en place à l’extérieur du Canada

Olivier Le Bot – Professeur, Faculté de droit, Université Nice Sophia Antipolis : « Les grandes évolutions du régime juridique de l’animal en Europe: déréification et constitutionnalisation« 

En Europe, la situation juridique de l’animal a connu deux évolutions marquantes au cours des dernières années. La première consiste en une élévation normative de la réglementation avec l’introduction dans la Constitution de normes ayant pour objet la protection de l’animal. La seconde porte sur son statut, avec une amorce de changement au niveau de la qualification juridique de l’animal, qui tend à être extrait de la catégorie des biens pour être rattaché à une nouvelle catégorie.

Denis Simonin – Membre de l’unité « Bien-être animal », Direction générale de la santé et des consommateurs, Commission européenne : « Politiques européennes en matière de bien-être animal: le chemin vers la Seconde stratégie de l’Union européenne pour le bien-être animal« 

Dans la plupart des États membres de l’Union européenne, la législation sur le bien-être animal résulte d’une tradition qui remonte au 19e siècle. Au début des années 1970s, un débat public a révélé un double besoin : harmoniser les conditions d’élevage dans les fermes des États membres et répondre aux demandes grandissantes de la population visant à améliorer le bien-être de ces animaux. L’utilisation des animaux à des fins scientifiques fut l’objet du même écho. Aujourd’hui, les animaux sont définis comme des « êtres sensibles » par le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, ce qui renforce le rôle des politiques relatives au bien-être animal dans plusieurs sphères d’activités européennes. Le développement futur des politiques basées sur la législation existante continuera à être au centre des préoccupations éthiques, modulées notamment par la culture et les valeurs traditionnelles. La seconde stratégie européenne sur le bien-être animal, qui devrait être adoptée en 2011 par la Commission européenne, tentera d’intégrer tous ces éléments et de renforcer la reconnaissance de ces valeurs hors des frontières de l’Union européenne. Certains objectifs devront peut-être exiger des approches différentes de la législation, telles qu’une facilitation de l’application des règles existantes, leur mise à jour selon les progrès techniques et scientifiques, ou l’application d’une législation concernant des questions qui ne sont pas encore couvertes par les législations communautaires spécifiques.

Peter Sankoff – Professeur, Faculté de droit, Université Western Ontario : « Le système de bien-être animal en Nouvelle-Zélande: les forces, les faiblesses et le pouvoir du dialogue« 

En 1999, la Nouvelle-Zélande a opéré une réforme de sa législation concernant le bien-être animal et a créé un nouveau régime complexe qui couvre une gamme d’interactions humain/animal. Cette présentation explorera quelques-unes des forces et faiblesses de ce nouveau cadre juridique, et examinera ce qu’il peut offrir aux autres pays qui cherchent à amender leurs propres lois traitant de protection des animaux. En particulier, la présentation considérera comment une loi de la sorte peut aider à promouvoir un dialogue positif sur le traitement des animaux et créer des mécanismes afin d’assurer que des réformes futures sont à venir.

 

Atelier 4 – Allocutions politiques

Marlene Jennings – Présidente d’honneur, députée libérale sortante (Notre-Dame-de-Grâce – Lachine)

Alexandra Mendès – Présidente d’honneur, députée libérale sortante (Brossard – La Prairie)

Ce contenu a été mis à jour le 7 août 2015 à 16 h 06 min.

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